Dialogue de sourds
« Notre beauté est dans la connaissance de soi ; lorsque nous nous ignorons nous-mêmes, nous sommes laids. »
Plotin
« Toute la religion chrétienne consiste uniquement en ceci : apprendre à nous connaître nous-même, savoir d’où nous venons et ce que nous sommes. »
Boehme
« Vous connaissez la valeur de toutes choses excepté de vous-même. »
Rûmî
Krisnamurti, ou la spiritualité immanente et personnelle
« Parvenir à se suivre, à voir comment ses pensées fonctionnent, exige un esprit extraordinairement vigilant, alerte, permettant de devenir toujours plus éveillé à la complexité du processus de sa pensée, de ses réactions et de ses émotions, de manière à développer la conscience non seulement de soi-même mais aussi de ceux avec qui nous sommes en relation.
Avant de pouvoir trouver le but de la vie, ce qu’elle signifie, nous devons commencer par nous-même, n’est-ce pas ? Ça parait simple, mais c’est extrêmement difficile. La difficulté, c’est que nous sommes impatients : nous voulons avancer, atteindre un but, aussi n’avons-nous ni le temps ni l’occasion de nous donner la chance d’étudier, d’observer.
Plus vous vous connaissez vous-même, plus il y a de clarté. La connaissance de Soi n’a pas de fin, vous n’aboutissez pas à une réalisation, à une conclusion. »
Maharshi, ou la spiritualité transcendante et religieuse
« Il n’y a rien en dehors du Soi. Être inhérent au Soi, c’est la seule chose à faire. Peu importe le mental. Si l’on cherche sa source, il disparait.
Rien n’est plus simple que d’être le Soi. Cela ne demande aucun effort, aucune aide. Tous voient le Soi toujours, mais ils ne le savent pas. Je vois ce qui a besoin d’être vu. Je ne vois que ce que tout le monde voit, rien de plus. Le Soi est toujours évident.
L’entrave, c’est l’illusion que « je suis celui qui agit ».
Etablissez-vous dans le Soi et agissez naturellement sans le sens de l’agir.
S’occuper du Soi veut dire s’occuper de votre travail.
Le travail ne vous liera pas, il se fera automatiquement.»
Ophoemon, ou la voie de l’intuition
Toute voie est respectable et son efficacité dépend en grande partie de l’intégrité et de la persévérance de celui qui la suit. Pour ma part, je préconise une recherche différente de celle de Krisnamurti et Maharshi, que je qualifierai de médiane, ou de voie du milieu sans référence à la connotation bouddhique de l’expression consacrée.
Persuadé que la « vérité n’a pas de chemin » (dixit Krishnamurti), je pense qu’il appartient à chacun de trouver sa voie en concordance totale avec son aspiration et sa conscience propres. Il suffit en fait de savoir poser les questions dont nous détenons, bien inconsciemment, les réponses au fond de nous.
Je considère que l’intuition établit un trait d’union, une médiation entre l’émanation de notre personnalité incarnée (mental, moi, ego) et la réalité cachée de notre esprit (je, soi supérieur, âme) ; en fait les mots, ou les définitions qu’on en donne comptent peu, c’est l’action seule qui étalonne la progression de la recherche personnelle et consacre, ou pas, son éveil spirituel.
Quelle est la fonction de l’intuition ?
Son rôle consiste à faire travailler ensemble l’Ego et le Je qui ont établi entre eux des rapports de méfiance respectifs qui font obstacle à notre recherche spirituelle.
On a d’ailleurs confirmation de cette ignorance mutuelle au travers des positions des deux auteurs présentées ci-dessus.
Krishnamurti préconise un travail sur le mental pour pouvoir accéder au spirituel, avec le danger de la conduite psychologique qui approfondit toujours plus les profondeurs de la personnalité sans jamais pouvoir s’élever au-delà. On est dans une attitude de régression antinomique à l’élévation spirituelle. L’être s’enfonce en lui-même au risque de s’y perdre, car la révélation n’appartient pas aux valeurs de la personnalité mais bien à ce qui la transcende.
Maharshi, quant à lui en niant l’existence même du mental, lui dénie toute fonction instrumentale et ne trouve plus dés lors de modalité d’action possible dans sa recherche, car illusoire et vaine. Il y a alors glissement de la connaissance à la croyance, de l’action à la religion ; s’établir dans le Soi relève en fait d’un phénomène assimilable à une grâce divine.
Pour ma part, je revendique la connaissance par l’action, m’inscrivant plus dans un courant gnostique que dans toute voie mystique ou religieuse ; je pense qu’il faut se bruler pour connaitre le feu, même si savoir qu’il brule peut encourager à une prudence salvatrice.
Donc le recours à la médiation de l’intuition permet d’apprendre au Je et à l’Ego à se reconnaître et à travailler ensemble. Ce qui nous permet de sortir un jour de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons.
L’intuition relève d’une conduite quasi-magique et échappe à toute investigation logique ou analytique. Elle est un instrument de connaissance directe, globale et spontanée de nature supramentale qui est à notre disposition à condition de provoquer en nous un état de calme et de réceptivité qui lui permette de passer.
Ecoutons la définition qu’en donne René Guénon :
« Cette connaissance des principes, l'Occident l'a possédée jadis.
Elle s'appelait la métaphysique, d'un mot qui signifie «au delà de la physique », c'est-à-dire, comme nous l'écririons aujourd'hui, « au delà de la nature ».
Cette connaissance est en effet le domaine du surnaturel et on ne peut l'atteindre que par l'intuition immédiate de l'intellect transcendant, qui n'est pas une faculté individuelle mais universelle comme l'objet même qu'elle prétend saisir. »
Cette connaissance est en effet le domaine du surnaturel et on ne peut l'atteindre que par l'intuition immédiate de l'intellect transcendant, qui n'est pas une faculté individuelle mais universelle comme l'objet même qu'elle prétend saisir. »
« En indiquant les caractères essentiels de la métaphysique, nous avons dit qu'elle constitue une connaissance intuitive, c'est-à-dire immédiate, s'opposant en cela à la connaissance discursive et médiate de l'ordre rationnel.
L'intuition intellectuelle est même plus immédiate encore que l'intuition sensible, car elle est au delà de la distinction du sujet et de l'objet que cette dernière laisse subsister ; elle est à la fois le moyen de la connaissance et la connaissance elle-même, et, en elle, le sujet et l'objet sont unifiés et identifiés.
D'ailleurs, toute connaissance ne mérite vraiment ce nom que dans la mesure où elle a pour effet de produire une telle identification, mais qui, partout ailleurs, reste toujours incomplète et imparfaite ; en d'autres termes, il n'y a de connaissance vraie que celle qui participe plus ou moins à la nature de la connaissance intellectuelle pure, qui est la connaissance par excellence. Toute autre connaissance, étant plus ou moins indirecte, n'a en somme qu'une valeur surtout symbolique ou représentative ; il n'y a de connaissance véritable et effective que celle qui nous permet de pénétrer dans la nature même des choses, et, si une telle pénétration peut déjà avoir lieu jusqu'à un certain point dans les degrés inférieurs de la connaissance, ce n'est que dans la connaissance métaphysique qu'elle est pleinement et totalement réalisable.
La conséquence immédiate de ceci, c'est que connaître et être ne sont au fond qu'une seule et même chose ; ce sont, si l'on veut, deux aspects inséparables d'une réalité unique, aspects qui ne sauraient même plus être distingués vraiment là où tout est « sans dualité ».
René Guénon
« La réalisation métaphysique »
« Tant que la connaissance n'est que par le mental, elle n'est qu'une simple connaissance par « reflet », comme celle des ombres que voient les prisonniers de la caverne symbolique de Platon, donc une connaissance indirecte et tout extérieure; passer de l'ombre à la réalité, saisie directement en elle-même, c'est proprement passer de l' « extérieur » à l’« intérieur », et aussi, au point de vue où nous nous plaçons plus particulièrement ici, de l'initiation virtuelle à l'initiation effective.
Ce passage implique la renonciation au mental, c'est-à-dire à toute faculté discursive qui est désormais devenue impuissante, puisqu'elle ne saurait franchir les limites qui lui sont imposées par sa nature même ; l'intuition intellectuelle seule est au delà de ces limites, parce qu'elle n'appartient pas à l'ordre des facultés individuelles. On peut, en employant le symbolisme traditionnel fondé sur les correspondances organiques, dire que le centre de la conscience doit être alors transféré du « cerveau » au « cœur » ; pour ce transfert, toute « spéculation » et toute dialectique ne sauraient évidemment plus être d'aucun usage; et c'est à partir de là seulement qu'il est possible de parler véritablement d'initiation effective. »
René Guénon
« Les limites du mental »
Alors, dialogue de sourds ?
Sans doute, dans la mesure où il est dans la nature humaine de toujours tout rapporter à son expérience personnelle, à son vécu profond et de vouloir ensuite imposer son point de vue dans un mélange d’altruisme et d’amour propre.
De toute façon, c’est un faux débat puisque la recherche spirituelle est toujours le fruit d’un monologue qui doit à terme déboucher sur la connaissance de sa vérité.
Et c’est elle, et elle seule, qui pourra nous sauver.
« Dieu a créé les sens tournés vers l’extérieur, aussi l’homme regarde-t-il vers l’extérieur, et non vers l’intérieur de lui-même. Mais de temps en temps, une âme audacieuse en quête d’immortalité a tourné son regard vers l’intérieur et s’est trouvée elle-même. »
Katha Upanishad
« Ce qui compte, ce n’est pas l’endroit où l’on va, c’est la route que l’on suit pour s’y rendre. Et si quelqu’un a commencé à vous initier, ce n’est que vous-mêmes. »
Patrick Drouot
« Celui qui connait tout sauf lui-même manque de tout.
Que celui qui cherche ne cesse de chercher jusqu’à ce qu’il trouve. Et ayant trouvé, il sera bouleversé, et étant bouleversé, il sera émerveillé !
Et il règnera sur le Tout. »
Evangile selon Thomas
« … La vérité vous rendra libres … »
Jean - 8, 32
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