jeudi 29 avril 2010

Morceaux choisis - Platon sur Socrate

« L'accoucheur n'apporte, ne transmet rien, à l'âme qu'il éveille.
Il la laisse nue en face d'elle-même. »

Socrate




Socrate et la maïeutique

Cela signifie que nous sommes en présence d’une nature humaine qu'il faut questionner pour y faire accoucher la vérité de l'être, c’est-à-dire l'humain guéri de ses névroses, de ses conditionnements, éducatifs, culturels et héréditaires, qui le font agir involontairement, inconsciemment.
Un accoucheur de conscience est un éveilleur, celui qui réveille le dormeur, pour le rendre à la réalité spirituelle qui seule peut le libérer.

« Rappelle-toi tous les us et coutumes des accoucheuses, et tu saisiras plus facilement ce que je veux t'apprendre. Tu sais, en effet, j'imagine, qu'il n'en est point d'encore capable de concevoir et d'enfanter qui fasse ce métier d'accoucher les autres: seules le font celles qui ne peuvent plus enfanter.
L'auteur de cette loi est, dit-on, Artémis, qui, sans avoir jamais enfanté, reçut en partage le soin de présider aux enfantements. Aux stériles, elle n'a donc point donné puissance de délivreuses, car l'humaine nature a trop de faiblesse pour qu'on lui puisse donner un art là où elle n'a point expérience; mais, à celles que l'âge empêche d'enfanter, elle donna cette charge pour honorer, en elles, son image.
Mon art de maïeutique a les mêmes attributions générales que le leur.
La différence est qu'il délivre les hommes et non les femmes et que c'est les âmes qu'il surveille en leur travail d'enfantement, non point les corps. Mais le plus grand privilège de l'art que, moi, je pratique est qu'il sait faire l'épreuve et discerner, en toute rigueur, si c'est apparence vaine et mensongère qu'enfante la réflexion du jeune homme, ou si c'est fruit de vie et de vérité.
J'ai, en effet, même impuissance que les accoucheuses.
Enfanter en sagesse n'est point en mon pouvoir, et le blâme dont plusieurs déjà m'ont fait opprobre, qu'aux autres posant questions je ne donne jamais mon avis personnel sur aucun sujet et que la cause en est dans le néant de ma propre sagesse, est blâme véridique.
La vraie cause, la voici:
accoucher les autres est contrainte que le dieu m'impose; procréer est puissance dont il m'a écarté. Je ne suis donc moi-même sage à aucun degré et je n'ai, par devers moi, nulle trouvaille qui le soit et que mon âme à moi ait d'elle-même enfantée.
Mais ceux qui viennent à mon commerce, à leur premier abord, semblent, quelques-uns même totalement, ne rien savoir. Or tous, à mesure qu'avance leur commerce et pour autant que le dieu leur en accorde faveur, merveilleuse est l'allure dont ils progressent, à leur propre jugement comme à celui des autres. »

(Extrait de Platon, Théétète, 148e-150e)

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