mardi 27 avril 2010

Récit d’éveil


Récit d’éveil



Eckhart Tolle est l’auteur du best seller « Le pouvoir du moment présent » et de plusieurs autres livres. C’est un enseignant spirituel actif et très apprécié.



L'éveil



Une nuit, après mon vingt-neuvième anniversaire, je me réveillai aux petites heures avec une sensation de terreur absolue. Il m’était souvent arrivé de sortir du sommeil en ayant une telle sensation, mais cette fois-ci c’était plus intense que cela ne l’avait jamais été. Le silence nocturne, les contours estompés des meubles de la pièce obscure, le bruit lointain d’un train, tout me semblait si étrange, si hostile et si totalement insignifiant que cela créa en moi un profond dégoût du monde. Mais ce qui me répugnait le plus dans tout cela, c`était ma propre existence.
À quoi bon continuer à vivre avec un tel fardeau de misère.
Pourquoi poursuivre cette lutte ?
En moi, je sentais qu’un profond désir d’annihilation, de ne plus exister, prenait largement le pas sur la pulsion instinctive de survivre.



« Je ne veux plus vivre avec moi-même. »
 Cette pensée me revenait sans cesse à l’esprit. Puis, soudain, je réalisai à quel point elle était bizarre.
« Suis-je deux ?
Si je ne réussis pas à vivre avec moi-même, c’est qu’il doit y avoir deux moi : le ‘je’ et le ‘moi’ avec qui le ‘je’ ne peux pas vivre. »
« Peut-être qu’un seul des deux est réel, pensai-je. »



Cette prise de conscience étrange me frappa tellement que mon esprit cessa de fonctionner. J’étais totalement conscient, mais il n’y avait plus aucune pensée dans ma tête.
Puis je me sentais aspiré par ce qui me sembla être un vortex d’énergie.
Au début, le mouvement était lent, puis il s’accéléra. Une peur intense me saisit et mon corps se mit à trembler. J’entendis les mots « ne résiste à rien », comme s’ils étaient prononcés dans ma poitrine. Je me sentis aspiré par le vide. J’avais l’impression que ce vide était en moi plutôt qu’à l’extérieur. Soudain, toute peur s’évanouit et je me laissai tomber dans ce vide. Je n’ai aucun souvenir de ce qui se passa par la suite.



La béatitude



Puis les pépiements d’un oiseau devant la fenêtre me réveillèrent. Je n’avais jamais entendu un tel son auparavant. Derrière mes paupières encore closes, ce son prit la forme d’un précieux diamant. Oui, si un diamant pouvait émettre un son, c’est ce à quoi il ressemblerait.
J’ouvris les yeux. Les premières lueurs de l’aube fusaient à travers les rideaux.
Sans l’intermédiaire d’aucune pensée, je sentis, je sus, que la lumière est infiniment plus que ce que nous réalisons. Cette douce luminosité, filtrée par les rideaux était l’amour lui-même. Les larmes me montèrent aux yeux. Je me levai et me mis à marcher dans la pièce. Je la reconnus et pourtant, je sus que je ne l’avais jamais vraiment vue auparavant.
Tout était frais et comme neuf.
Un peu comme si tout venait d’être mis au monde.
Je ramassai quelques objets, un crayon, une bouteille vide, et m’émerveillai devant la beauté et la vitalité de tout ce qui se trouvait autour de moi.
Ce jour-là, je déambulai dans la ville, totalement fasciné par le miracle de la vie sur terre, comme si je venais de venir au monde.





La compréhension

Pendant les cinq mois qui suivirent, je vécus sans interruption dans une grande béatitude et une paix profonde. Par la suite, cela diminua d’intensité ou telle fut mon impression, peut-être parce que cet état-là m’était devenu naturel. Je pouvais encore fonctionner dans le monde, même si je réalisais que rien de ce que je faisais n’aurait pu ajouter quoi que ce soit à ce que j’avais déjà.



Bien entendu, je savais que quelque chose de profondément significatif m’était arrivé, sans toutefois comprendre de quoi il s’agissait.
Ce ne fut que plusieurs années plus tard, après avoir lu des textes sur la spiritualité et passé du temps avec des maîtres spirituels, que je compris qu’il m’était arrivé à moi, tout ce que le monde cherchait.
Je compris que l’intense oppression occasionnée par la souffrance cette nuit-là devait avoir forcé ma conscience à se désengager de son identification au moi malheureux et plein de peur profonde, qui en fin de compte n’était qu’une fiction.
Ce désengagement avait dû être si total que ce faux moi souffrant s’effondra immédiatement, comme un ballon qui de dégonfle quand on enlève le bouchon. Tout ce qui restait, c’était ma véritable nature, l’éternel je suis, la conscience dans son état vierge avant l’identification à la forme.
Plus tard j’appris également à retourner en moi, dans ce royaume intemporel et immortel que j’avais au début perçu comme un vide, tout en restant pleinement conscient.
Je connus des états de béatitude et de grâce tels qu’il est difficile de les décrire et qui éclipsent même la première expérience que je viens de vous décrire.

Extrait de « Le pouvoir du moment présent » d’Eckhart Tolle, Éd. Ariane



"La Vérité est un pays sans chemins, que l'on ne peut atteindre par aucune route, quelle qu'elle soit: aucune religion, aucune secte."
J. Krisnamurti

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire