vendredi 21 mai 2010

Morceaux choisis - Frithjof Schuon

Des Vertus indispensables à l’évolution spirituelle



Frithjof Schuon

« L’homme a le droit d’être heureux, mais il doit l’être noblement et, ce qui revient au même, dans le cadre de la Vérité et de la Voie. »

 

La noblesse est ce qui correspond à la hiérarchie réelle des valeurs :

Le supérieur prime l’inférieur, et cela sur le plan des sentiments aussi bien que sur celui des pensées ou des volitions.

On a dit que la noblesse de caractère consiste à mettre l’honneur ou la dignité morale au-dessus de l’intérêt, ce qui signifie en dernière analyse qu’il faut mettre le réel invisible au-dessus de l’illusoire visible, moralement aussi bien qu’intellectuellement.

La noblesse est faite de détachement et de générosité ; sans cette noblesse, les dons de l’intelligence et les efforts de la volonté ne sauraient suffire pour la Voie, car l’homme ne se réduit pas à ces deux facultés, il possède aussi une âme capable d’amour et destinée au bonheur ; et celui-ci ne peut être réalisé - sauf d’une façon illusoire- sans la vertu ou la noblesse.
La Voie est faite de discernement, de concentration et de bonté : de discernement pour l’intelligence, de concentration pour la volonté, de bonté pour l’âme.
Le détachement implique l’objectivité vis-à-vis e soi-même ; la générosité implique tout autant la capacité de se mettre à la place d’autrui, donc d’être « soi-même » dans les autres.

Dans la durée, le détachement donne lieu à la patience et la générosité à la fidélité, la patience et la fidélité prolongent et parfont en quelque sorte les vertus qu’elles fixent dans le temps, si bien qu’on pourrait dire que la patience prouve la sincérité du détachement et que la fidélité prouve la sincérité de la générosité ; toute qualité, pour être entière exige la persévérance. »

Détachement, générosité, vigilance, gratitude :

ces vertus relèvent de 4 principes qui pourraient être caractérisés par les termes suivants : Pureté, bonté, force, beauté ; ou froid, chaleur, activité, repos ou mort, vie, combat, paix ; ou encore en les appliquant à l’alchimie spirituelle : abstention, confiance, accomplissement, consentement.

La pureté et la beauté sont statiques ; la force et la bonté sont dynamiques ; à un autre point de vue, la pureté et la force relèvent de la rigueur ; la beauté et la bonté de la douceur. C’est dire que la vertu en soi, ou la conformité de l’âme possède deux modes complémentaires, un statique et un dynamique, et sous un autre rapport, un mode rigoureux et un mode doux ; et que les quatre vertus dérivent de ces modes ou de ces pôles. La vertu est la rencontre du sujet humain avec l’objet divin. Nous étudierons de plus prés ces vertus-clef :

1. Le Détachement :

Tout d’abord nous devons constater que l’attachement est dans la nature même de l’homme. Le critère de la légitimité d’un attachement est que son objet soit digne d’amour, c’est-à-dire qu’il nous communique quelque chose de Dieu, et à plus forte raison qu’il ne nous éloigne pas de lui. Etre détaché, c’est ne rien aimer en dehors de Dieu, ni a fortiori contre Dieu. Le détachement est l’opposé de la concupiscence et de l’avidité ; il est la grandeur d’âme, qui inspirée par la conscience des valeurs absolues et partant aussi de l’imperfection et de l’impermanence des valeurs relatives, permet à l’âme de garder sa liberté intérieure et sa distance à l’égard des choses.

2. La Générosité :

Comment l’homme sanctifié ne serait-il pas généreux puisqu’il espère en la divine Miséricorde ? Car, il ne suffit pas d’attendre de la Miséricorde les avantages qu’elle promet, il faut en outre et même avant tout, s’ouvrir à elle et l’aimer pour elle -même ; or aimer la Miséricorde, c’est comprendre sa nature et sa beauté et c’est vouloir s’unir à elle en participant à sa fonction. Aimer c’est vouloir être ce qu’on aime, ou devenir ce qu’on aime. La générosité est l’opposé de l’égoïsme, de l’avarice et de la mesquinerie. La générosité est la grandeur d’âme qui aime donner et aussi pardonner parce qu’elle permet aux hommes de se mettre à la place des autres. La bonté par faiblesse ou par rêverie n’est pas une vertu ; la générosité est belle dans la mesure où l’homme est fort et lucide. La noblesse comporte à priori, une attitude bienveillante et un certain don de Soi ; l’homme noble essaie d’aider et de venir à la rencontre avant de condamner et de sévir, tout en étant implacable et rapide quand la réalité l’exige.

3. La Vigilance :

L’homme sanctifié est aussi et nécessairement un homme discipliné ; être discipliné c’est intrinsèquement se dominer et extrinsèquement faire les choses correctement : n’être ni négligeant ni désordonné, ni extravagant. La perfection de l’âme exige que l’extérieur soit conforme à l’intérieur ; la discipline du caractère et du maintien est une marque d’humilité autant que de discernement. La vigilance est la vertu affirmative et combative qui nous empêche d’oublier ou de trahir « la seule chose nécessaire » : C’est la présence d’esprit qui nous rappelle sans cesse au souvenir de Dieu et qui par-là même nous rend attentifs à tout ce qui nous en éloigne. Cette vertu exclut toute négligence et tout laisser-aller, puisqu’elle est fondée sur la conscience du moment présent, de cet instant toujours renouvelé qui appartient à Dieu et non au monde, à la Réalité et non au rêve.

4. La Gratitude :

L’homme reconnaissant se maintient dans une sainte enfance (se contenter des petites choses). La gratitude est une vertu qui nous permet d’apprécier ou de respecter les choses petites ou grandes parce qu’elles viennent de Dieu à commencer par les beautés et dons de la nature. L’adoration de la divine substance entraîne le respect des accidents qui la manifeste ; adorer Dieu « en esprit et en vérité » c’est le respect aussi à travers ce voile qu’est l’homme, ce qui revient pratiquement à dire qu’il faut respecter dans tout homme la sainteté potentielle dans la mesure où cela nous est raisonnablement possible ; en un mot, admettre sinon comprendre la transcendance du Créateur, c’est reconnaître son immanence dans les créatures. Qui dit respect du prochain, dit respect de soi-même, car ce qui est vrai pour les autres l’est aussi pour nous ; l’homme est toujours un saint virtuel.

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