mardi 28 avril 2009

Ainsi parlait Jacques Cazotte


Jacques Cazotte, né à Dijon le 7 octobre 1719 et mort guillotiné à Paris sur la place du Carrousel le 25 septembre 1792, est un écrivain français.

Jacques Cazotte est une figure curieuse de l'histoire littéraire française. Il est surtout connu pour son roman, Le Diable amoureux (1772), considéré comme une oeuvre préfigurant les romans fantastiques de E.T. Hoffmann. Critique sévère de Jean-Jacques Rousseau, membre de la secte illuministe des Elus-Cohens, il verra dans la Révolution française une gigantesque incarnation de Satan. Ses convictions royalistes le rendent suspect au pouvoir révolutionnaire. Il sera guillotiné le 25 septembre 1792. Il sera réhabilité, aux yeux de l'histoire de la littérature, par Gérard de Nerval, qui dans son ouvrage Les Illuminés (1852) loue son sens de l'allégorie et la sincérité de son mysticisme.

On est tous les jours dans le cas de se laisser enseigner des choses que l'on sait par des gens qui les ignorent.

L'homme fut un assemblage d'un peu de boue et d'eau. Pourquoi une femme ne serait-elle pas faite de rosée, de vapeurs terrestres et de rayons de lumière, des débris d'un arc-en-ciel condensés? où est le possible?... Où est l'impossible?

« Messieurs, dit-il, soyez satisfaits; vous verrez tous cette grande révolution que vous désirez tant.

Vous savez que je suis un peu prophète, je vous répète : vous la verrez. »

- Soit, mais peut-être faut-il l'être un peu plus pour ce qui me reste à vous dire. Savez-vous ce qui arrivera de cette révolution, ce qui en arrivera pour tous tant que vous êtes ici, et ce qui en sera la suite immédiate, l'effet bien prouvé, la conséquence bien reconnue?

- Vous, Monsieur de Condorcet, vous expirerez étendu sur le pavé d'un cachot, vous mourrez du poison que vous aurez pris pour échapper au bourreau, du poison que le bonheur de ce temps-là vous forcera de porter toujours sur vous.

- C'est précisément ce que je vous dis : c'est au nom de la philosophie, de l'humanité, de la liberté, c'est sous le règne de la raison qu'il vous arrivera de finir ainsi, et ce sera bien le règne de la raison, car alors elle aura des temples, et même il n'y aura plus dans toute la France, en ce temps-là, que des temples de la Raison..

-… Vous, Monsieur de Chamfort, vous vous couperez les veines de vingt-deux coups de rasoir, et pourtant vous n'en mourrez que quelques mois après. »

« Vous, Monsieur Vicq-d'Azir, vous ne vous ouvrirez pas les veines vous-même; mais, après vous les avoir fait ouvrir six fois dans un jour, après un accès de goutte pour être plus sûr de votre fait, vous mourrez dans la nuit.

Vous, Monsieur de Nicolaï, vous mourrez sur l'échafaud; vous, Monsieur de Bailly, sur l'échafaud...

- … Je vous l'ai dit : vous serez alors gouvernés par la seule philosophie, par la seule raison. Ceux qui vous traiteront ainsi seront tous des philosophes, auront à tout moment dans la bouche toutes les mêmes phrases que vous débitez depuis une heure, répéteront toutes vos maximes, citeront tout comme vous les vers de Diderot …

- Six ans ne se passeront que tout ce que je vous dis ne soit accompli...

- … Vous, Madame la duchesse, vous serez conduite à l'échafaud, vous et beaucoup d'autres dames avec vous, dans la charrette du bourreau, et les mains liées derrière le dos.

- Ah! J’espère que, dans ce cas-là, j'aurai du moins un carrosse drapé de noir!

- Non, Madame, de plus grandes dames que vous iront comme vous en charrette, et les mains liées comme vous.

- De plus grandes dames! Quoi! Les princesses du sang?

- De plus grandes dames encore... »

-

Ici un mouvement très sensible dans toute la compagnie, et la figure du maître se rembrunit. On commençait à trouver que la plaisanterie était forte.

Mme de Gramont, pour dissiper le nuage, n'insista pas sur cette dernière réponse, et se contenta de dire du ton le plus léger :

« Vous verrez qu'il ne me laissera pas seulement un confesseur!

- Non, Madame, vous n'en aurez pas, ni personne. Le dernier supplicié qui en aura un par grâce sera... »

Il s'arrêta un moment.

« Eh bien, quel est donc l'heureux mortel qui aura cette prérogative?

- C'est la seule qui lui restera: et ce sera le roi de France. »

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