vendredi 2 janvier 2009

Ainsi parlait Cioran


Emil Cioran, né le 8 avril 1911 à Răşinari en Roumanie, mort le 20 juin 1995 à Paris, est un philosophe et écrivain roumain, d'expression roumaine initialement, puis française à partir de 1949 (Précis de décomposition). Bien qu'ayant vécu la majeure partie de sa vie en France, il n'a jamais demandé la nationalité française. Il a parfois signé sous le nom de « E. M. Cioran ».
L'œuvre de Cioran comporte des recueils d'aphorismes, ironiques, sceptiques et percutants, tel De l'inconvénient d'être né, qui forment ses œuvres les plus connues, mais on peut aussi y trouver des textes plus longs et plus détaillés. D'une façon générale, l'œuvre de Cioran est marquée par son refus de tout système philosophique. Son scepticisme est probablement son caractère le plus marquant, bien plus que son pessimisme.

L'œuvre de Cioran ne semble pas sujette à une controverse particulière. Elle bénéficie d'une notable acceptation, dans les médias, peut-être due à un effet de mode, depuis sa redécouverte récente. Ou bien est-elle simplement ignorée, sans critique commentée, dans les débats littéraires et philosophiques actuels. Le grand public la jugera souvent pessimiste, voire morbide.
On peut dégager parfois une critique contre l'excès stylistique ou le classicisme de son écriture, qui compromettraient la diffusion des idées. Ou bien un manque de profondeur de sa recherche philosophique, dans le sens où Cioran reprend des idées nietzschéennes, en les illustrant simplement.
[...] l'échec, toujours essentiel, nous dévoile à nous-mêmes, il nous permet de nous voir comme Dieu nous voit, alors que le succès nous éloigne de ce qu'il y a de plus intime en nous et en tout.

Jamais à l'aise dans l'immédiat, ne me séduit que ce qui me précède, que ce qui m'éloigne d'ici, les instants sans nombre où je ne fus pas: le non-né.

Je sais que ma naissance est un hasard, un accident risible, et cependant, dès que je m'oublie, je me comporte comme si elle était un événement capital, indispensable à la marche et à l'équilibre du monde.

Le vrai contact entre les êtres ne s'établit que par la présence muette, par l'apparente non-communication, par l'échange mystérieux et sans parole qui ressemble à la prière intérieure.

Que tout soit dépourvu de consistance, de fondement, de justification, j'en suis d'ordinaire si assuré, que, celui qui oserait me contredire, fût-il l'homme que j'estime le plus, m'apparaîtrait comme un charlatan ou un abruti.

Si la mort n'avait que des côtés négatifs, mourir serait un acte impraticable.
Être en vie - tout à coup je suis frappé par l'étrangeté de cette expression, comme si elle ne s'appliquait à personne.

J'aimerais être libre, éperdument libre. Libre comme un mort-né.

S'il entre dans la lucidité tant d'ambiguïté et de trouble, c'est qu'elle est le résultat du mauvais usage que nous avons fait de nos veilles.
Ne jamais s'évader du possible, se prélasser en éternel velléitaire, oublier de naître.
Quand on revoit quelqu'un après de longues années, il faudrait s'asseoir l'un en face de l'autre et ne rien dire pendant des heures, afin qu'à la faveur du silence la consternation puisse se savourer elle-même.

[...] tout malaise n'est qu'une expérience métaphysique avortée.

Je rêve d'un confesseur idéal, à qui tout dire, tout avouer, je rêve d'un saint blasé.
Certains ont des malheurs; d'autres, des obsessions. Lesquels sont le plus à plaindre?
Je n'aimerais pas qu'on fût équitable à mon endroit: je pourrais me passer de tout, sauf du tonique de l'injustice.

Nous n'avouons nos chagrins à un autre que pour le faire souffrir, pour qu'il les prenne à son compte. Si nous voulions nous l'attacher, nous ne lui ferions part que de nos tourments abstraits, les seuls qu'accueillent avec empressement tous ceux qui nous aiment.

Tout malaise individuel se ramène, en dernière instance, à un malaise cosmogonique, chacune de nos sensations expiant ce forfait de la sensation primordiale, par quoi l'être se glissa hors d'on ne sait où...
Nulle différence entre l'être et le non-être, si on les appréhende avec une égale intensité.

Le non-savoir est le fondement de tout, il crée le tout par un acte qu'il répète à chaque instant, il produit ce monde et n'importe quel monde, puisqu'il ne cesse de prendre pour réel ce qui ne l'est pas. Le non-savoir est la gigantesque méprise qui sert de base à toutes nos vérités, le non-savoir est plus et plus puissant que tous les dieux réunis.

Après minuit commence la griserie des vérités pernicieuses.
Ce qu'on appelle "sagesse" n'est au fond qu'une perpétuelle "réflexion faite", c'est-à-dire la non-action comme premier mouvement.

Dans l'anxiété et l'affolement, le calme soudain à la pensée du fœtus qu'on a été.

[...] la pensée de la mort aide à tout, sauf à mourir!

N'est pas humble celui qui se hait.

J'ai toujours cherché les paysages d'avant Dieu. D'où mon faible pour le Chaos.

J'ai décidé de plus m'en prendre à personne depuis que j'ai observé que je finis toujours par ressembler à mon dernier ennemi.

On ne devrait écrire des livres que pour y dire des choses qu'on n'oserait confier à personne.
Plus les hommes s'éloignent de Dieu, plus ils avancent dans la connaissance des religions.

Regarder sans comprendre, c'est le paradis. L'enfer serait donc le lieu où l'on comprend, où l'on comprend trop...

[...] c'est la volonté de donner notre maximum qui nous porte aux excès et aux dérèglements.
N'est profond, n'est véritable que ce que l'on cache. D'où la force des sentiments vils.

L'essentiel n'a jamais exigé le moindre talent.

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