jeudi 28 mai 2009

Morceaux choisis - Milan Kundera



Milan Kundera (né le 1er avril 1929 à Brno, Tchécoslovaquie, aujourd'hui République tchèque) est un écrivain de langue tchèque et française. Né en ancienne Tchécoslovaquie, il a obtenu la nationalité française le 1er juillet 1981.

Il a reçu le prix Médicis étranger en 1973 (pour son roman La vie est ailleurs), le Prix de Jérusalem en 1985, le Prix Aujourd'hui en 1993 (pour son essai Les testaments trahis), le Prix Herder en 2000 et le Grand prix de littérature de l'Académie française pour l'ensemble de son oeuvre en 2001. Son nom a été fréquemment cité sur les listes du Prix Nobel de littérature.

« L’insoutenable légèreté de l’être »


C'est un roman certes mais qui tient tout autant de l'essai.
L'histoire de Tereza et de Tomas, une histoire d'amour vécue sous fond de printemps de Prague et d'envahissement de la Tchéquie par la Russie. Deux premiers chapitres magnifiques de beauté, l'un vécu dans les yeux de Tomas, l'autre dans ceux de Tereza. L'histoire de Sabina et de Franz aussi. Des destins croisés et entre tous ces êtres une profonde dichotomie entre la pesanteur et la légèreté car c'est là où ce roman est fort. C'est qu'au travers d'une écriture poétique et belle, l'écrivain tchèque parvient à engager une réflexion philosophique.


«Qui cherche l'infini n'a qu'à fermer les yeux.»

«Ne pouvoir vivre qu'une vie, c'est comme ne pas vivre du tout.»

«La nostalgie du Paradis, c'est le désir de l'homme de ne pas être homme.»

« Seuls les obstacles peuvent transformer l'amour en histoire d'amour.... »


« L'homme ne peut jamais savoir ce qu'il faut vouloir car il n'a qu'une vie et il ne peut ni la comparer à des vies antérieures ni la rectifier dans des vies ultérieures. (...)

Il n'existe aucun moyen de vérifier quelle décision est la bonne, car il n'existe aucune comparaison. Tout est vécu tout de suite pour la première fois et sans préparation. Comme si un acteur entrait en scène sans avoir jamais répété. Mais que peut valoir la vie, si la première répétition de la vie est déjà la vie même. C'est ce qui fait que la vie ressemble toujours à une esquisse. Mais même "esquisse" n'est pas le mot juste, car une esquisse est toujours l'ébauche de quelque chose, la préparation d'un tableau, tandis que l'esquisse qu'est notre vie est une esquisse de rien, une ébauche sans tableau.

(...), une fois ne compte pas, une fois c'est jamais. Ne pouvoir vivre qu'une vie, c'est comme ne pas vivre du tout. »



« Car les questions vraiment graves ne sont que celles que peut formuler un enfant. Seules les questions les plus naïves sont vraiment de graves questions. Ce sont les interrogations auxquelles il n'est pas de réponse. Une question à laquelle il n'est pas de réponse est une barrière au-delà de laquelle il n'est plus de chemins. Autrement dit : ce sont précisément les questions auxquelles il n'est pas de réponse qui marquent les limites des possibilités humaines et qui tracent les frontières de notre existence. »



« Supposons qu’il y ait dans l’univers une planète où l’on viendrait au monde une deuxième fois. En même temps, on se souviendrait parfaitement de la vie passée sur la terre, de toute l’expérience acquise ici-bas.

Et il existe peut-être une autre planète où chacun verrait le jour une troisième fois avec l’expérience de deux vies déjà vécues.

(...)

Ce n’est que dans la perspective de cette utopie que les notions de pessimisme et d’optimisme ont un sens: l’optimiste, c’est celui qui se figure que l’histoire humaine sera moins sanglante sur la planète numéro cinq. Le pessimiste, c’est celui qui ne le croit pas. »



« Sans la moindre préparation théologique, spontanément, l’enfant que j’étais alors comprenait donc déjà qu’il y a incompatibilité entre la merde et Dieu et, par conséquent, la fragilité de la thèse fondamentale de l’anthropologie chrétienne selon laquelle l’homme a été créé à l’image de Dieu. De deux choses l’une ou bien l’homme a été créé à l’image de Dieu et alors Dieu a des intestins, ou bien Dieu n’a pas d’intestins et l’homme ne lui ressemble pas.
Les anciens gnostiques le sentaient aussi clairement que moi dans ma cinquième année. Pour trancher ce problème maudit, Valentin, Grand Maître de la Gnose de II ème siècle, affirmait que Jésus « mangeait, buvait, mais ne déféquait point ».
La merde est un problème théologique plus ardu que le mal. Dieu a donné la liberté à l’homme et on peut donc admettre qu’il n’est pas responsable des crimes de l’humanité. Mais la responsabilité de la merde incombe entièrement à celui qui a créé l’homme, et à lui seul. »

« Ah, il est si facile de désobéir à un mort. Si malgré cela, parfois, on se soumet à sa volonté, ce n’est pas par peur, par contrainte, c’est parce qu’on l’aime et qu’on refuse de le croire mort. Si un vieux paysan à l’agonie a prié son fils de ne pas abattre le vieux poirier devant la fenêtre, le poirier ne sera pas abattu tant que le fils se souviendra avec amour de son père.

Cela n’a pas grand-chose à faire avec une foi religieuse en la vie éternelle de l’âme. Tout simplement un mort que j’aime ne sera jamais mort pour moi. Je ne peux même pas dire : je l’ai aimé ; non, je l’aime.

Et si je refuse de parler de mon amour pour lui au temps passé, cela veut dire que celui qui est mort est. C’est là peut-être que se trouve la dimension religieuse de l’homme. En effet l’obéissance à la dernière volonté est mystérieuse : elle dépasse toute réflexion pratique et rationnelle : le vieux paysan se saura jamais, dans sa tombe, si le poirier est abattu ou non ; pourtant, il est impossible au fils qui l’aime de ne pas lui obéir.

Dans un souvenir, on ne retrouve pas la présence du mort ; les souvenirs ne sont que la confirmation de son absence ; dans les souvenirs le mort n’est qu’un passé qui pâlit, qui s’éloigne, inaccessible. Pourtant, s’il m’est impossible de jamais tenir pour mort l’être que j’aime, comment se manifestera sa présence ?

Dans sa volonté que je connais et à laquelle je resterai fidèle. Je pense au vieux poirier qui restera devant la fenêtre tant que le fils du paysan sera vivant. »

Les testaments trahis



«Ce qui distingue l'autodidacte de celui qui a fait des études, ce n'est pas l'ampleur des connaissances, mais des degrés différents de vitalité et de confiance en soi.»

«Pour qu'un amour soit inoubliable, il faut que les hasards s'y rejoignent dès le premier instant.»

«Les métaphores sont dangereuses. L'amour commence par une métaphore.»

«L'amour physique est impensable sans violence.»

«Trahir, c'est sortir du rang et partir dans l'inconnu.»

«Comme on est sans défense devant la flatterie !»

«La sensualité, c'est la mobilisation maximale des sens : on observe l'autre intensément et on écoute ses moindres bruits. »

«Le jeune homme qui court après la gloire n'a aucune idée de ce qu'est la gloire. Ce qui donne un sens à notre conduite nous est toujours totalement inconnu.»

«Il y a des idées qui sont comme un attentat.»

« Les extrêmes marquent la frontière au-delà de laquelle la vie prend fin, et la passion de l'extrémisme, en art comme en politique, est désir déguisé de mort. »



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